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Julien Gauthier, professeur d’analyse et culture musicale
publié le mardi 19 novembre 2019
Julien Gauthier était professeur d’analyse et culture musicale au conservatoire depuis douze ans, il a perdu la vie cet été lors d’un voyage en canoë dans le Grand Nord. Compositeur, il s’inspirait de la nature, bravant l’immensité et la solitude des iles Kerguelen, ou celle de Ouessant, pour trouver la nécessité intérieure d’écrire.
Sa disparition a profondément touché l’ensemble des professeurs et élèves du conservatoire.
Lors du concert que nous donnerons à sa mémoire au conservatoire le 23 novembre à 19 heures l’altiste Hélène Desaint qui avait créé la première composition de Julien la rejouera ainsi que deux autres pièces, un quintette avec bandonéon et un trio pour piano, clarinette et alto.
Certaines pièces de Schumann, les Märchenbilder, ou Bach qu’il aimait particulièrement seront également jouées, ainsi qu’une pièce de Bernard Cavanna.
Tristesse…Un aventurier nous a quittés.
Plus l’air d’un intellectuel que d’un baroudeur, et pourtant toujours à courir le monde, à sonder les mystères de la nature et des gens, JULIEN GAUTHIER a perdu la vie cet été lors d’un accident dans le Grand Nord Canadien.
Compositeur, Julien depuis une douzaine d’années offre de son temps pour enseigner l’analyse aux étudiants du conservatoire de Gennevilliers.
Spécialiste de la musique ancienne et actif créateur de son époque, il compose pour le théâtre et la danse. Curieux des cultures du monde, il écrit pour le Oud ou le Chant Oriental ou le Jazz, il se passionne pour la musique Indienne au point de travailler les Tablas, et nous avions récemment lancé l’idée d’une pièce pour Kena et cordes, et celle d’une réécriture de Messe Baroque.
Esthète sensible, admiratif et soucieux du monde sauvage, Julien puise son inspiration dans le spectacle de la nature.
Il s’isole un semestre dans l’Archipel des Kerguelen sur une ile en Antarctique, fréquentée uniquement par une poignée de scientifiques ainsi que par la faune locale, à savoir des colonies de manchots, éléphants de mer ou albatros, qu’il aura soin d’enregistrer pour ses compositions à venir. Ces paysages sonores lui permettent de produire La Inaudita Symphonia, ainsi que La Symphonie Australe crée par l’Orchestre Symphonique de Bretagne.
Il s’isole à nouveau l’année suivante au Sémaphore de Ouessant face à l’Océan, pour écrire une nouvelle pièce, puis il part cette année pour cette fatale expédition Canadienne.
Accomplissement d’un rêve de gosse, Julien emprunte le fleuve Mackenzie pour rallier Tuktoyaktuk, village perdu au nord du cercle Polaire, et toujours avec la nécessité d’enregistrer la nature…
A la rencontre de la réalité, de très célèbres compositeurs sont animés par cette démarche musicale à laquelle Julien s’associe. Ces poètes aux yeux ouverts sont fascinés par l’inventivité de la nature, par la variété infinie de structures complexes…
Surprenante analogie entre l’activité de la nature et celle de l’artiste !
Debussy écrit : « Je me suis fait une religion de la mystérieuse nature », Schoenberg : « Dans la nature les rythmes, les hauteurs, les tempi sont multiples et complexes, rappelez vous la façon dont ondulent les vagues de la mer, dont se brisent les eaux d’une rivière ou d’un ruisseau ou encore la pluie . »
Olivier Messiaen se dit ornithologue, Rameau fait entendre un tremblement de terre dans les Indes Galantes, Marin Marais et Tchaïkovski la tempête, Haydn et Vivaldi décrivent les saisons, Beethoven la vie champêtre dans la Pastorale, Schumann et Wagner la forêt, Ravel Les jeux d’eaux…
Quand Julien lui aussi, dit « qu’il perçoit la nature comme une immense composition musicale », j’aime à l’imaginer cotoyant cette pléiade de saltimbanques inspirés.
Pour ma part, me manqueront cruellement nos inépuisables palabres à propos de l’exaltation musicale et de la beauté des femmes...
Homme de talent, humble, élégant, doux rêveur et contemplatif, toujours en quête de splendeurs nouvelles…
J’ai une pensée chargée d’émotion pour ceux qui t’ont connu, apprécié, aimé… « Grand Julien » dirait Cavanna…
Embarquement funeste sur un bateau ivre, la sorcellerie du hasard t’a misérablement désigné !!!
Rimbaud dira de toi plus d’un siècle avant :
« Debout sur la plaine, il entendait autour répondre à son appel, la nature vivante, les arbres muets berçant l’oiseau qui chante, la terre berçant l’homme et tout l’océan bleu…Il a vu quelquefois ce que l’homme a cru voir… »
Puisse le chant des étoiles t’enivrer autant que les résonances terrestres !
Salut L’ARTISTE
Philippe Bonnaud,